Thermalisme et Politique
Lettre à l’attention des médecins thermaux – version du 5 mai 2021
Chers amis,
Aujourd’hui, les établissements thermaux restent fermés en raison de la pandémie de la Covid-19 toujours active. Chacun de nous s’interroge sur la saison qui avance et le devenir de nos activités.
Soulignons le bon déroulement des cures thermales en 2020 pendant la courte période d’ouverture de nos stations entre les deux confinements.
Cette newsletter vise à actualiser les préconisations et les recommandations à mettre en œuvre lorsqu’une réouverture sera possible. Les propositions correspondent à l’état des savoirs à la date de la rédaction de cette Newsletter, le 5 mai 2021. Elles seront à adapter au fur et à mesure de l’acquisition des connaissances.
Le thermalisme saura répondre aux réalités sanitaires de notre société. Nous poursuivons nos travaux pour la mise en œuvre de cure visant à la prise en charge les personnes souffrant de Covid-long, réflexions que nous avions engagées lors de notre webinaire « Le médecin thermal face à la crise sanitaire Covid-19 », le 17 juin 2020. La Presse Thermale et Climatique dans son édition 2020 collige les travaux sur le sujet.
« L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire » (Henri Bergson, 1859-1941).
Fidèle aux valeurs du « Prendre soin » entre cure et care,
Le bureau de la Société Française de Médecine Thermale
Préconisations et recommandations
de la Société Française de Médecine Thermale relatives
aux risques liés à l’épidémie de coronavirus COVID-19
Actualisation du 5 mai 2021
La Société Française de Médecine Thermale prend la mesure de la situation dans les établissements thermaux liée à la persistance de l’épidémie COVID-19. Elle souligne le bon déroulement des cures thermales pendant la courte période d’activité thermale entre les deux confinements en 2020. La pandémie évolue : les variants du virus primitif sont devenus majoritaires ; l’accélération de la campagne de vaccination suscite de l’espoir, ses effets sont en cours d’évaluation concernant l’immunité à long terme, la protection vis-à-vis des nouveaux variants ainsi que le risque de portage du virus et de sa transmission du virus par les sujets vaccinés.
Avant toute chose, il convient d’insister sur la nécessité de maintenir les gestes barrières dont le lavage des mains et l’utilisation de gel hydro-alcoolique, le port du masque et la distanciation sociale, règles générales qui s’appliquent à tous, vaccinés ou non, dans tous les lieux clos et dans les lieux ouverts en présence de personnes étrangères. L’application des mesures collectives visant à la réduction maximale de la circulation virale mérite toute notre attention : nettoyage des locaux et de l’environnement de travail, aération et ventilation des locaux et la gestion des flux/densité des personnes.
Tandis qu’en 2020, la question se posait de la pertinence de la cure dans le contexte de la pandémie, force est de constater en 2021 que la crise sanitaire perdure et que les cures thermales ne peuvent être reportées plus longtemps.
Trois éléments appuient notre position :
1. Tout patient souffrant d’une pathologie chronique au retentissement fonctionnel avéré et handicapant doit pouvoir à nouveau bénéficier d’une cure thermale connue pour le soulager, réduire son handicap, améliorer son autonomie et sa qualité de vie. Il revient aux établissements et médecins thermaux d’accueillir les curistes dans des conditions optimales assurant sécurité et qualité des soins en 2021, comme elles l’ont fait en 2020.
Différer plus longtemps la cure thermale serait prendre le risque d’aggraver l’état de santé des curistes, risque qui serait disproportionné par rapport à celui encouru en venant se faire soigner dans un établissement thermal.
2. Le protocole sanitaire adopté par tous les établissements thermaux à l’initiative du CNETH et approuvé par la DGS a démontré son efficacité (1). A notre connaissance, en dehors de 3 cas groupés de contamination susceptibles de trouver leur origine lors d’une séance collective de rééducation respiratoire dans une salle close (entraînant la fermeture immédiate de celle-ci et la résolution du problème), il n’existe de contamination qui se soit produite à l’intérieur des thermes ou à l’occasion des soins thermaux, individuels et collectifs comme le sont les soins en piscine. Par contre, il existe bien quelques cas avérés et heureusement rares de contamination au sein des stations, qui justifient qu’un certain nombre de précautions soient prises par les curistes : respect des mesures barrières et de distanciation sociale à l’extérieur de l’établissement, éloignement des tables lors de la prise des repas et masques gardés au maximum, signalement immédiat au médecin thermal et à l’établissement de tout signe pouvant faire évoquer un début d’infection Covid-19, ou de tout contact avec une personne contaminée, circonstances qui doivent faire suspendre immédiatement la cure et débuter un isolement.
Ont également été rapportés des cas de personnes contaminées avant le début de la cure, diagnostiqués dans les premiers jours de la cure soit qu’elles aient minimisé leur symptomatologie ou soit qu’elles aient été asymptomatiques à leur arrivée. Ces cas pourraient ne pas se reproduire en 2021 en validant la négativité du test diagnostique RT-PCR à l’entrée en cure.
3. Les cures thermales ont permis de prendre en charge en 2020 des patients post-Covid souffrant de Covid-long, qui ont vu réduire leur symptomatologie fonctionnelle et leurs handicaps. Ceci suscite l’intérêt des autorités sanitaires et des caisses d’assurance maladie qui envisagent leur remboursement dans cette indication.
1 Avant la cure, évaluer le bien-fondé de sa réalisation dans le contexte de l’épidémie Covid-19
1) La venue en cure
Il convient au préalable de définir ce que signifie un schéma vaccinal complet est défini :
– Deux injections à au moins 3-4 semaines d’intervalle pour un vaccin à ARNm (et à 9 à 12 semaines d’intervalle pour le vaccin commercialisé par AstraZeneca) avec un délai de 14 jours après la 2e injection ;
– Une seule injection du vaccin de Janssen avec un délai de 14 jours après l’injection ;
– Une seule injection 3 à 6 mois après une infection Covid-19 documentée (en dehors des cas particuliers (2).
Pour les curistes non vaccinés ou n’ayant pas un schéma vaccinal complet, l’entrée en cure est subordonnée à la production par du résultat négatif d’un test RT-PCR effectué dans un laboratoire de biologie de moins de 72 heures avant l’arrivée en station.
L’entrée en cure des patients ayant été contaminés par la Covid-19 justifie la production d’un test RT-PCR négatif, effectué moins de 72 heures avant l’arrivée en station thermale. La cure ne peut s’effectuer qu’à plus de 6 semaines du début de l’infection pour éviter le risque d’une contagiosité prolongée (3).
Pour les curistes ayant bénéficié d’un schéma vaccinal complet, qu’ils aient subi deux injections de vaccins ou une seule injection dans les cas identifiés par la HAS, la réalisation d’un test RT-PCR moins de 72 heures avant de venir en station est hautement recommandée.
Ces recommandations sont portées à la connaissance des curistes par l’établissement thermal lors de leur demande de réservation de cure et rappelées lors de leur prise de rendez-vous avec le médecin thermal.
Ces recommandations sont susceptibles d’évoluer en fonction de l’avancée des connaissances scientifiques et de la réglementation.
2) Première consultation auprès du médecin thermal
Pour des raisons liées au secret médical, il appartient au médecin thermal de s’assurer lors de la première consultation que le curiste satisfait à cette obligation qui conditionne l’ordonnance des soins thermaux et en conséquence l’autorisation d’entrée en cure.
Pour toute question médicale complémentaire qui interpellerait le médecin traitant ou le patient lui-même, la possibilité d’une téléconsultation avec le médecin thermal en amont quelques jours avant la cure doit être rappelée.
Lors de cette première consultation, il convient de rappeler au curiste un certain nombre de précautions élémentaires :
• respect des mesures barrières et de distanciation sociale,
• signalement immédiat au médecin thermal et à l’établissement de tout signe pouvant faire évoquer un début d’infection Covid-19 et de tout contact avec une personne contaminée, circonstances qui doivent faire suspendre immédiatement la cure, débuter un isolement et prescrire un nouveau test RT-PCR.
3) Facteurs de risque de formes sévères et préconisations subséquentes
Dans son avis du 2 mars 2021 sur la « Stratégie de vaccination contre le Sars-Cov-2 : Actualisation des facteurs de risque de formes graves de la Covid-19 et des recommandations sur la stratégie de priorisation des populations à vacciner » (4), la Haute Autorité de Santé (HAS) répertorie les patients à risque de formes sévères en insistant sur :
– Le rôle majeur et prépondérant de l’âge : les patients hospitalisés, âgés de 50-64 ans pour Covid-19 en France présentent comparativement aux 18-49 ans, environ 3 fois plus de risque de décéder du Covid-19, 7 fois plus de risque s’ils sont âgés de 65-74 ans, 11 fois plus de risque s’ils sont âgés de 75-80 ans, et 16 fois plus de risque s’ils sont âgés de plus de 80 ans.
– Certaines comorbidités sont identifiées comme étant des facteurs de risque de formes graves et de décès :
• les personnes diabétiques (de type 1 ou 2), en particulier les diabétiques insulinodépendants non équilibrés ou présentant des complications secondaires à leur pathologie, sachant que le risque pourrait être plus élevé chez les jeunes diabétiques ;
• les personnes en situation d’obésité présentant un IMC supérieur à 30 kg/m2, sachant que le risque pourrait être plus élevé chez les jeunes patients ;
• les personnes souffrant de cancers et sous traitement, en particulier s’il s’agit d’un cancer récent et/ou en progression et/ou sous chimiothérapie, sachant que les personnes atteintes de cancers hématologiques semblent plus à risque ;
• les personnes présentant une insuffisance respiratoire ou une BPCO ;
• les personnes présentant une insuffisance cardiaque ;
• les personnes présentant une hypertension artérielle compliquée ;
• les personnes atteintes de maladies hépatiques chroniques, en particulier la cirrhose ;
• les personnes présentant des troubles psychiatriques ;
• les personnes atteintes de démence ;
• les personnes présentant un antécédent d’accident vasculaire cérébral.
– Le risque de décès est majoré pour :
• les personnes atteintes de trisomie 21, surtout à partir de 40 ans ;
• les personnes ayant reçu une transplantation d’organe ;
• les patients présentant une insuffisance rénale chronique dialysée.
Les contre-indications à la réalisation de la cure en lien avec ces facteurs de risque seront évaluées par le médecin traitant et le médecin thermal en prenant en considération la balance bénéfices/risques attendue. L’âge physiologique est à privilégier en excluant de définir un âge à partir duquel la cure serait proscrite. L’accueil de patients sous certains traitements immunosuppresseurs tel que le rituximab doit être différé dans cette période d’épidémie.
2 Conduite à tenir face à un cas suspect de Covid-19
1) Importance du binôme infirmier/médecin
Il convient :
– de construire un relais formel entre l’IDE et le médecin thermal (attention toutes les stations n’ont pas un fonctionnement bien identifié entre ces deux professionnels de santé) : l’infirmier de l’établissement thermal informera par téléconsultation le médecin thermal ;
– de former et d’informer sur les signes cliniques d’appel ;
– d’inviter les personnes qui présentent des symptômes d’une infection respiratoire et/ou de la fièvre pendant la cure à se signaler et à contacter l’infirmier et/ou le médecin thermal. Au moindre doute, interrompre la cure, isoler le patient dans l’attente du résultat du test RT-PCR demandé en urgence.
2) Prise en charge du patient suspect de Covid-19
Elle doit s’intégrer dans l’organisation sanitaire de gestion de l’épidémie mise en place localement. Le médecin thermal s’informera de l’existence de personnes accompagnant le curiste suspect de Covid-19 surtout si elles-mêmes bénéficient d’une cure, ce qui doit les conduire le cas échéant à prévenir le médecin thermal qui les suit pour qu’il adopte les mesures ad hoc. Également veiller à ce que le responsable de l’établissement thermal soit prévenu de tout cas d’infection Covid-19 de façon à prendre les mesures conservatoires : désinfection des postes de soins, suspension de cure, isolement dans leur hébergement, etc…
3) Participation des médecins thermaux aux enquêtes épidémiologiques menées par l’ARS
Le médecin thermal participera au « traçage » du curiste, notamment en complétant la fiche intitulée « Cas confirmés Covid-19 » pour tout curiste dont le test RT-PCR sera positif au cours de la cure (voir en annexe). Ces renseignements seront demandés par l’ARS dans le cadre de l’enquête épidémiologique qui sera déclenchée pour dépister et isoler les cas contacts. Cette enquête sera encore renforcée si plusieurs cas de contamination surviennent au même moment.
3 La cure thermale
1) Indications
Les 12 orientations thérapeutiques sont possibles.
Si l’insuffisance respiratoire chronique susceptible de décompenser est un facteur de risque, l’indication voies respiratoire n’est pas une contre-indication en soi.
2) Les soins
a) Recommandations générales
– Interdire les exercices physiques importants pouvant conduire à une hyperventilation, telles que les séances de rééducation respiratoire collective, en lieux clos propices à une diffusion aérienne du virus,
– Éviter les soins impliquant une aérosolisation de l’eau thermale. Pour les soins voies respiratoire, il est utile de connaître le positionnement exact de chaque patient par le relevé du poste occupé et de l’heure du soin de façon à pouvoir mener une enquête rétrospective de cas contacts éventuels en cas de contamination avérée (ce qui sera demandé et recherché par l’ARS en cas d’enquête épidémiologique) et de contre-indiquer les soins collectifs,
– Privilégier les soins individuels plutôt que collectifs en réalisant des aménagements particuliers pour accueillir les curistes
– Les soins individuels dans des espaces collectifs devront être séparés par des cloisons type plexiglas
b) Massage
Ces soins seront réalisables selon les référentiels des praticiens de médecine physique et de réadaptation ainsi que ceux des kinésithérapeutes. Les massages sous affusion ne sont pas interdits, mais encadrés et limités
c) Piscine
Les soins réalisés avec des barrières physiques entre les postes (cloisons type plexiglas) et une distance de plus de 2 mètres en avant des curistes, sont possibles à condition de faire respecter la distanciation sociale dans le bassin. Il est recommandé de respecter une surface de 4 m2 par curiste.
d) Port de masques
Le port de masques chirurgicaux ou en tissu de catégorie 1 est obligatoire. Les visières ne sont pas recommandées.
3) Mesures d’hygiène
a) Formation des personnels des thermes et protocole sanitaire au sein des établissements thermaux
Force est de constater que le protocole sanitaire du CNETH a été appliqué avec rigueur en 2020 dans tous les établissements thermaux et que ces mesures seront adaptées et reconduites avec la même rigueur en 2021.
b) Vaccination des soignants et du personnel des thermes
La vaccination de tous les soignants est fortement recommandée.
4 Références
1. Thermalisme_-_Projet_de_referentiel_sanitaire_Vdiff28052020.pdf [Internet]. [cité 15 avr 2021]. Disponible sur: https://www.medecinethermale.fr/fileadmin/_cneth_documentation/Thermalisme_-_Projet_de_referentiel_sanitaire_Vdiff28052020.pdf
2. HCSP. Adaptation des recommandations pour les personnes ayant bénéficié d’un schéma vaccinal complet contre le Covid-19 [Internet]. Rapport de l’HCSP. Paris: Haut Conseil de la Santé Publique; 2021 avr [cité 5 mai 2021]. Disponible sur: https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=1006
3. Xiao AT, Tong YX, Zhang S. Profile of RT-PCR for SARS-CoV-2: a preliminary study from 56 COVID-19 patients. Clin Infect Dis [Internet]. 2020 [cité 27 avr 2020]; Disponible sur: https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciaa460/5822175
4. Stratégie de vaccination contre le Sars-Cov-2 – Actualisation des facteurs de risque de formes graves de la Covid-19 et des recommandations sur la stratégie de priorisation des populations à vacciner [Internet]. Haute Autorité de Santé. [cité 15 avr 2021]. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/jcms/p_3240117/fr/strategie-de-vaccination-contre-le-sars-cov-2-actualisation-des-facteurs-de-risque-de-formes-graves-de-la-covid-19-et-des-recommandations-sur-la-strategie-de-priorisation-des-populations-a-vacciner